Citation de Pablo Neruda

samedi 20 août 2011

TINA MODOTTI, PHOTOGRAPHE AU RÉFLEX SOCIAL

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TINA MODOTTI. PHOTO EDWARD WESTON 1924

Ils ont marqué l'histoire de la photographie. Suite de notre série d'été avec l'Italienne Tina Modotti, témoin du Mexique post-révolutionnaire des années 20.
Luc Desbenoit

Tina Modotti s'est longtemps demandé comment concilier photographie et engagement politique. Sa réponse est peut-être dans l'image de ce paysan mexicain les mains serrées sur sa bêche. Effacée devant son sujet, l'artiste ne cherche pas à nous apitoyer sur la condition misérable de l'hom­me. Elle s'en approche jus­qu'à le toucher, soucieuse de souligner l'élégance de sa pose. La photo est simple, belle, sincère. « J'essaye de réaliser non de l'art mais d'honnêtes photographies », disait-elle avec modestie. Elle aurait pu être l'une des pho­­tographes les plus adulées du XXe siècle. Elle a préféré suivre un autre chemin.

Star du théâtre

Née en 1896 dans le nord-est de l'Italie, Tina Modotti travaille dès 13 ans dans une fabrique de soie pour aider sa famille à survivre. A 17 ans, elle émigre en Californie. Son intelligence et sa beauté la font devenir la star du théâtre italien de San Francisco. Après une brève carrière à Hollywood, où elle joue en 1920 le premier rôle du film muet The Tiger's Coast, elle pose pour le grand photographe Edward Weston. Il tombe amoureux d'elle, abandonne femme et enfants à Los Angeles et s'installe avec elle, en 1923, à Mexico.

La personnalité de Tina Modotti se remarque. Elle fume la pipe et s'affiche comme la première femme portant des jeans à Mexico. Weston et elle créent un studio photo qui croule bientôt sous les commandes. Leur maison devient le lieu de rendez-vous des artistes et des intellectuels ; c'est chez eux que le peintre Diego Rivera rencontre Frida Kahlo. Initiée à la photo par Weston, Tina Modotti égale bientôt le maître par la pureté de compositions au bord de l'abstraction, comme avec les arches du couvent de Tepotztlán ou les formes géométriques naturelles des motifs floraux. Son travail est loué par Diego Rivera.

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ARCHES DU COUVENT DE TEPOTZTLÁN 1926. PHOTO TINA MODOTTI

Pas de pitié

Une carrière prometteuse s'ouvre à elle. Mais Modotti préfère se battre aux côtés du Parti communiste mexicain contre les inégalités qui déchirent encore le pays vingt-cinq ans après la révolution. Lorsqu'elle reprend son appareil, c'est pour témoigner de la misère, sans inspirer la pitié. Ses images de femmes pauvres dans l'isthme de Tehuantepec célèbrent leur fierté. Souvent, Modotti se concentre sur une partie du corps, mains de femmes faisant la lessive ou pieds masculins déformés par l'âge. Avec ces images, elle cherche à rapprocher le sujet du « regardeur », à permettre à celui-ci de s'identifier aux autres. A montrer leur part commune d'humanité.

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TINA MODOTTI. PHOTO EDWARD WESTON
Elle paye cher ses engagements. Son activité militante lui vaut d'être brutalisée par la police mexicaine, qui lui impute le meurtre de son amant, un révolutionnaire cubain. La presse la traite de « femme de petite vertu », photos à l'appui. En l'occurrence, les magnifiques nus qu'a pris d'elle Weston et qui sont entrés dans l'histoire de l'art. Tina Modotti est expulsée du pays en 1930. Elle se rend à Berlin, puis en URSS, avant de rejoindre en Espagne les rangs des républicains pendant la guerre civile. Elle se lie d'amitié avec Malraux, Hemingway et Dos Passos. Robert Capa tente de la convaincre de photographier à nouveau. Elle refuse, ne croit plus au pouvoir de la photographie pour changer le cours des choses. En 1939, elle retourne sous un nom d'emprunt à Me­xico, où elle meurt, trois ans plus tard, d'une crise cardiaque. Pablo Neruda a composé pour elle une élégie, gravée sur sa tombe, qui se termine par ces mots : « ton cœur était brave ». Il n'y a rien à ajouter.

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